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Histoire

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Chapitre 1: L'historien et les mémoires de la guerre d'Algérie 

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Problématique : Les mémoires plurielles de la guerre d'Algérie sont-elles devenues une histoire à part entière ? Une histoire apaisée de la guerre d'Algérie est-elle possible ? 

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Introduction : La guerre d'Algérie fait jouer deux mémoires, celle des Français et celle des Algériens. Elle montre que si la première plurielle (celle des Français) est polémique, la seconde (celle des Algériens) est le reflet de l'humanisme de façade (faire croire que tout le monde pense que c'est l'Algérie qui est héroïque), qui subordonne l'histoire à la propagande. La guerre d'Algérie côté français, une large occultation (= caché) officielle qui se perpétue en dépit de l'éloignement chronologique et qui introduit une rupture dans ce qui est convenu appelée le Roman national.

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I. L'occultation d'un mythe: la guerre innommable

Le conflit qui commence en 1954 a fait l'objet d'un travestissement sémantique soigneusement posé.

Les actions par lequel le FNL va affronter la France avec une violence qui n'a d'égale que celle de la conquête coloniale, sont pudiquement qualifiées par le gouvernement français pendant la durée du conflit : on parle donc d' « événements », d' « opération de police », d' « action de maintien de l'ordre » ou encore d' « opération de rétablissement de la paix » ou encore d' « entreprise de pacification », etc.

En définitive ce sont beaucoup de mots pour une guerre qu'on ne veut pas nommer. La Guerre sans nom, film documentaire de Patrick Rotman et Bertrand Tavernier en 1992. L'Assemblée nationale ne reconnaît pas l'existence de l'état de guerre en Algérie entre 1954 et 1962 et ce n’est qu'en 5octombre 1999 qu'elle le sera.

Cet acharnement à ne pas reconnaître la réalité d'un état de guerre réelle c'est pas anodin. Il s'explique de plusieurs manières :

  - le lendemain de la conquête, l'Algérie avait été divisé en 3 départements (Alger, Oran et Constantine). Reconnaître un état de guerre en Algérie eût été reconnaître un état de guerre civile.

  - il n'y a pas eu de déclaration formelle de guerre d'un Etat qui n'existait à un autre Etat juridiquement reconnu : la France affirme lutter contre les « rebelles » ou des « terroristes ».

Pour l'Algérie les questions historiques ou sémantiques ne se posent pas : dès son congrès unificateur de 1956 (appelé le congrès de Soumamm), le FLN (= Front de Libération Nationale) a fait admettre l'idée d'une Révolution algérienne qui s'appuie sur une guerre de libération nationale. 

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II. Avant la guerre, L'Algérie coloniale : réalité et construction mentale

Il est très importante que les manifestations soient organisées dans la principale ville d'Alger entre janvier et juillet 1930, pour célébrer le centenaire de l'Algérie-France. En mai 1930, le président Gaston Doumergue y accomplit le premier voyage officiel jamais effectué par un président de la République. La conquête militaire y est exaltée ainsi que le développement économique et l'œuvre civilisatrice réalisés par la France.

Le centenaire (1930) est représentatif de l’état d’esprit général des Français, qui célèbrent la gloire de l'empire dont ils considèrent peut-être qu'il est le dernier vestige d'une puissante ébranlée par la première Guerre mondiale. Le centenaire de l'Algérie française s'inscrit dans une série de manifestations qui relèvent de l’auto-célébration  et qui culminent avec l'Exposition coloniale (1951), donc les 8 millions de visiteurs repartent avec l'image d'une grande France idéalisée, imperméable aux critiques et aux débats.

Les critiques existent pourtant. Elles proviennent surtout des communautés mais elles sont de plus en plus acerbes, du fait des Algériens eux-mêmes. Le mouvement des jeunes Algériens s'est constitué au début du XXe siècle autour de revendications communes :

 - octroi des libertés fondamentales 

 - égalité avec les Français d'Algérie

 - suppression de l'indigénat (quelqu'un qui n'est pas citoyen français)

Les jeunes Algériens dirigés à partir de 1913 par l'émir (=petit) Khaled ( fils d'Abdel-Kader ) donne au nationalisme algérien une réalité et un idéal.

Un autre courant existe qui émane (= provient) de l'Internationale communiste : c'est le courant nationaliste révolutionnaire qui s'incarne à partir de 1926 dans l'Etoile nord-africaine de Messali Hadj (à l'aide des mouvements communistes comme le MNA (mouvement national algérien). Très rapidement l'Etoile nord-africaine s'éloigne du mouvement communiste et tient un discours où se mêle nationalisme et arabisme culturel.

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III. Guerre, censure et non-dits

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A. L'impossible silence des appelés

Appelé : Jeune garçon qui effectue son service militaire en Algérie dans le cadre de la guerre.

 

La guerre d'Algérie devient un drame national quand après le vote des "pouvoir spéciaux" en mars 1956, le contingent ( tous les appelés et les soldats étaient appelés au même moment) est envoyé massivement sur les théâtres d'opération en renfort des soldats d'élite ( les légionnaires c'est-à-dire soldats étrangers et les parachutistes) aguerris aux guerres coloniales. Un effectif constant de 400 à 470 000 jeunes Français y sera stationnés en permanence en Algérie entre 1956 et 1962 dans le cadre d'un service militaire porté à 27 mois. C'est au total près de 2 millions de Français qui auront connu l'expérience de la guerre d'Algérie. Après quelques mouvement d'insoumissions fin 1955 ( trains bloqués refus d'embarquer sur les bateaux de transport de troupes ) les "appelés" et les "rappelés" se sont résignés.

La violence qu'ils découvrent les bouleverses, le trouble est si grand que l'armée publie à partir de mai 1957 en pleine bataille d'Algérie un journal d'information "Le Bled", qui essaye de faire passer un discours à des textes d'appelés plus ou moins spontanés. A ce jeu des témoignages, l'armée perdra rapidement la guerre.

La violence qu'ils découvrent les bouleverse. Un jeune appelé de 21 ans écrit: "5 août 1960. Au bout de deux jours, le village était saignant, jonché de cadavres et de chèvres égorgées dans lesquelles nous taillions nos beefsteaks. Notre sergent, en slip blanc, pieds nus, courait partout avec un sabre et jouait au matador avec les âmes un véritable déchaînement de violence, de cruauté aussi. Des chèvres bastonnées pour le plaisir, des poulets plumés vivants. Pourquoi ? Les femmes étaient fouillées dans les mechtas une à une. A la première, j'ai eu un choc. C'était une vielle, elle est rentrée en relevant ses jupes pour me montrer qu'elle connaissait nos mœurs sans doute […]. Le matin, nous nous sommes levés à cinq heures et nous avons tout brûlé." 

La revue Esprit fait paraître en 1957 un article inspiré par les propos de soldats permissionnaires et qui se termine par la phrase suivante: " Si l'honneur de la France peut aller avec ces tortures, alors la France est un pays sans honneur". Le trouble est si grand que l'armée publie à partir de mai 1957, en pleine bataille d'Alger, un journal d'information, Le Bled, qui instille un discours de propagande assez subtil car il laisse une large place à des textes d'appelés plus ou moins spontanés. Ainsi, celui-ci, où un soldat rappelé répond à son frère: " Partout, le soldat est humain que je sache, aussi je me demande comment le peuple français, dont chaque famille a ici, soit un fils, soit un parent, peut admettre que l'on traite son armée de massacreurs et de vandales sur un vulgaire feuilleton de journal".

A ce jeu des témoignages constitutifs ou prescripteurs de mémoire, l'armée perdra rapidement la guerre. 

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B. Les ambiguïté de la censure

La guerre d'Algérie s'est déroulé dans un climat de contrôle étroit de l'information. La loi du 3 avril 1955 déclarant "l'état d'urgence" autorise les autorités "à prendre toutes les mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales". Mais, entre 1955 et 1962, les interdictions et saisies semblent pratiquées sans règle véritable. La raison est à chercher dans le fait que les "événements" d'Algérie n'étant pas reconnus comme une guerre, l'information devait rester libre au même titre que les partis politiques qui, dans la métropole, pouvaient continuer à avoir une existence légale. Près de 250 ouvrages seront publiés sans entraves entre 1954 et 1962. La censure ne se montre intraitable que sur un point: quand l'armée et ses méthodes de "pacification" sont dénoncées. 

Deux exemples permettent d'illustrer l'ambiguïté de la censure. Le 12 février 1958 est publié La Question d'Henri Alleg. L'auteur, directeur du quotidien communiste Alger républicain, a été arrêté le 12 juin 1957 par les parachutistes du général Massu au domicile de Maurice Audin, son ami, assistant de mathématiques à la Faculté des sciences d'Alger et communistes comme lui. Tous deux furent torturés et Maurice Audin fut exécuté dix jours après sont arrestation ( fait encore nié aujourd'hui par l'armée). La Question est saisi le 17 mars 1958, alors que 66 000 exemplaires en ont déjà été écoulés par les Editions de Minuit. Dans le même temps, l'Affaire Audin de Pierre Vidal-Naquet, paru le 12 mai 1958 et qui met un cause la thèse officiel sur la disparition suite à une tentative d'évasion de Maurice Audin est autorisé à paraître. La raison de cette clémence est peut-être à chercher dans la connaissance que le ministère de l'Intérieur a de l'opinion: c'est la lassitude qui domine très rapidement dans une France que les blessures de la Seconde Guerre Mondiale et les souvenirs de la gurerre d'Indochine détournent de l'évocation de la guerre et qui attend de la fin du conflit le retour de l'être cher qui y participe malgré lui; les ouvrages susceptibles d'être censurés e sont écrits et lus que par les milieux de la gauche intellectuelle anticolonialiste et ont donc une influence mobilisatrice somme toute limitée. 

Les images subissent une censure plus scrupuleuse que les écrits. A l'heure où la télévision se transforme en propagande, le cinéma propose des oeuvres critiques, aussitôt interdites. Afrique 50 ( premier film français anticolonialiste) et Algérie en flammes (1958) de René Vautier ( futur réalisateur d'Avoir ving ans dans les Aurès, 1972) sont interdits tout comme Le Petit soldat de Jean-Luc Godard (1959 - sorti en salle en 1963), qui retrace l'itinéraire d'un activiste de l'Algérie française et évoque la torture pratiquée par le FLN au même titre que celle mise en œuvre l'armée française, Muriel ou le temps d'un retour (1963) d'Alain Resnais.

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IV. La guerre, matrice de la nation algérienne ? 

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A. Aux origines du nationalisme algérien

La nationalisme algérien a été longtemps divisé. Après sa dissolution par le gouvernement de Front populaire, l'Etoile nord-africaine de Messali Hadj se transforme en 1937 en Parti du peule algérien (PPA), lui même dissous en 1939. Le Parti poursuit une existence clandestine jusqu'en 1946, date à laquelle il se transforme en MTLD ( Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) qui affecte le de légalité. De son côté, Ferhat Abbas " nationaliste culturel", avait rédigé en 1943 en Manifeste du peuple algérien où il affirmait l'existence d'une nation algérienne, rejetait l'idée d'assimilation  et défendait l'idée d'un Etat autonome associé à la France. Il créa en 1946 un parti de notables, l'Union démocratiques du peuples algérien (UDMA), qui défendait ces principes.

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B. Le triomphe du FLN

Le Nationalisme intellectuel algérien, réfutant toute forme d'action directe depuis la répression de Sétif en mai-juin 1945, se trouvait dans une impasse. A l'été 1954 fut fondé un groupe d'activistes qui constituèrent un Front de libération nationale (FLN). Leur baptême du feu fut la campagne d'attentats du 1er novembre 1954, réalisée par l'ALN( Armée de libération nationale), la branche armée du FLN. Le FLN en tira l'argument majeur de sa légitimité: en ce jour aurait commencé, ou recommencé, l'histoire de l'Algérie par la volonté de quelques hommes de faire table rase du passé colonial, considéré comme une humiliation. Tous les autres mouvements sont sommés de se rallier en FLN. En un an et demi, le FLN réalisa son objectif. Les seuls à lui résister étaient les partisan de Messali Hadj, réunis depuis décembre 1954 dans le Mouvement national algérien (MNA), contre lequel le FLN déclencha une véritable guerre d'anéantissement, qui s'étendit aux populations civiles (massacres de Melouza 1957). L'éviction de Messali Hadj permit au FLN de se poser en unique détenteur de la légitimité nationale et en unique interlocuteur du gouvernement français, à travers le GPRA ( Gouvernement provisoire de la République algérienne ) constitué dès septembre 1958. Le FLN devenait parallèlement l'un des symboles de la lutte antinationaliste et de la cause arabe: la direction clandestine du FLN dut accueillie au Claire et la tribune de l'ONU s'ouvrit à ses orateurs. 

C. Réécriture et falsification de l'histoire

Au cœur de l'environnement 

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